« Dans ma cellule, ça puait l’urine » : cette militante écolo de l’Orne revient sur sa garde à vue | L'Orne Hebdo



« Dans ma cellule, ça puait l’urine » : cette militante écolo de l’Orne revient sur sa garde à vue

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Libérée jeudi 11 avril, après 76 heures de garde à vue au commissariat d’Évreux (Eure), Christine Coulon, cheffe de file du NPA de l’Orne et militante engagée dans de nombreuses causes dont la protection des Droits des femmes, témoigne « sur ce qui s’est passé pour dénoncer cette opération politique ».

Derrière la porte : quatre policiers cagoulés

Elle ne s’exprime qu’en son nom et n’évoque aucunement les faits pour lesquels « il appartient à la justice de prouver ce dont elle m’accuse ».

Lundi 8 avril 2024, dix-sept militants écologistes de Normandie ont été interpellés à leur domicile, dans le cadre d’une affaire menée par la Sous-direction anti-terroriste après une action coup de poing des Soulèvements de la Terre à la cimenterie Lafarge du Val-de-Reuil, le 10 décembre 2023. Parmi les personnes interpellées : Christine Coulon. 

À 6 h 15, j’ai entendu tambouriner à ma porte… Le temps que j’émerge, j’ai ouvert et j’ai vu quatre policiers cagoulés qui m’ont demandé de m’asseoir et de rester très calme.

Christine Coulon domiciliée à Alençon. 

Perquisition de son appart’, sa cave, sa voiture

« Ils ont contrôlé mon identité et m’ont signifié que j’étais placée en garde à vue à compter de 6 h 20 pour des chefs d’inculpation sérieux et que j’estime disproportionnés par rapport aux faits énoncés », rapporte l’Alençonnaise de 65 ans.

S’en sont ensuivies les perquisitions de son appartement, de sa cave, de son garage et de sa voiture. « Ça a duré deux heures environ. Ils ont saisi mes trois téléphones, dont un vieux hors d’usage que je n’avais pas jeté, mais pas mon ordinateur qu’ils ont seulement consulté. Puis ils m’ont dit qu’ils m’emmenaient à Évreux. J’étais avertie que ça durerait au moins 48 heures donc ils m’ont laissé le temps de faire rapidement un petit sac avec une tenue de rechange ».

Elle n’a pas été menottée pendant son transport. « Il n’y a pas eu de brutalité à mon endroit dans l’interpellation. Mais je trouve que les moyens sont disproportionnés par rapport à la réalité : quatre policiers dans deux voitures pour interpeller une seule personne. Et il y en a eu 17 ce même jour… Imaginez le gouffre financier que cela représente. »

Sans lunettes, sans lacets…

Au commissariat d’Évreux, elle a été placée dans une cellule « à barreaux donc je voyais ce qu’il se passait dans le couloir, je n’étais pas à l’isolement ».

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Le lit « était en béton avec un tout petit matelas ». Une couverture de survie et un kit d’hygiène avec des lingettes lui ont été donnés. Elle y est restée « quatre jours et trois nuits ». Un laps de temps pendant lequel elle a été auditionnée par les enquêteurs « à trois reprises » avec un avocat.

« Avec la cellule anti-terroriste, tout est très réglo. Ils sont très carrés. Tout s’est déroulé dans le respect », glisse Christine Coulon qui, en revanche, dénonce les conditions d’hygiène « déplorables » des cellules.

Ça puait l’urine ! Les toilettes sont à la turque, ce qui impose aux femmes de placer les pieds sur les toilettes. Heureusement que j’ai pu garder mes chaussures après avoir enlevé mes lacets parce qu’autrement, j’aurai été nu-pieds.

Christine Coulon.

Elle a aussi été dépossédée de ses lunettes de vue. « C’est compliqué parce que j’ai des migraines quand je ne les porte pas, mais les policiers me les rendaient dès que je devais lire ou signer quelque chose ».

« J’ai fait valoir la privation de sommeil »

Les nuits ont été mouvementées. « J’ai très peu dormi parce qu’il y a l’arrivée des gens alcoolisés, il y a ceux qui crient, ceux qui tapent contre les murs, la lumière dans la cellule dont j’ai du demander l’extinction la dernière nuit, dans ma dernière cellule, parce que le spot était directement dirigé vers le couchage. J’ai fait valoir “la privation de sommeil” s’ils ne l’éteignaient pas. Parce que les détenus ont aussi des droits. »

Elle a partagé sa cellule avec des femmes « confrontées à des violences conjugales. J’ai fait de l’écoute et dispensé des conseils contre les violences sexistes et sexuelles. J’ai aussi pensé à certains prisonniers de par le monde et à ce qu’ils vivent, tout en mesurant que nous ne sommes pas détenus dans les mêmes pays », poursuit celle qui ne s’est pas dépourvue de son sens de l’humour pour rassurer ses codétenues.

« L’expérience militante m’a beaucoup aidé à faire face », reconnaît-elle.

« Les rues bloquées, ça fait un choc »

Jeudi 11 avril à 11 h, elle a été déférée au Parquet d’Évreux. « Entre le commissariat et le palais de justice, j’ai été menottée. Les policiers m’ont expliqué que c’était la procédure », détaille la militante politique et écologiste qui s’est avouée « choquée » de voir « les rues bloquées » aux abords du palais de justice à l’arrivée de la voiture qui la transportait.

On est perçu comme des terroristes, des gangsters. C’est fort et ça fait un choc…

Christine Coulon.

À sa sortie du palais de justice, elle a fait face à « des camarades du NPA, et pas que d’Alençon » et à d’autres personnes d’Alençon, qui l’attendaient… « J’avoue qu’à leur vue, j’ai eu les larmes aux yeux… Ça m’a émue ». Tout comme l’a émue, le rassemblement de 120 personnes, mercredi 10 avril devant la préfecture de l’Orne, en soutien aux gardés à vue.

Sur les photos, j’ai vu des personnes que je ne connais même pas. Je les remercie de s’indigner avec nous contre ce qui est fait par ce gouvernement autoritaire et sa gestion du maintien de l’ordre.

Christine Coulon.

« C’est politique »

C’est sur ce dernier point qu’elle s’indigne : « Dans cette action d’interpellations, il y a une volonté de criminaliser l’écologie et d’intimider les militants. Cette volonté de cibler le mouvement écolo à travers les Soulèvements de la Terre, c’est politique. Parce qu’ils dénoncent le fait que le groupe Lafarge aurait aidé les mouvements terroristes en Syrie. Il est mis en examen pour complicité de crime contre l’humanité et nous, on nous a dit que nous étions des éco-terroristes ! Les moyens mis en œuvre pour nous interpeller sont disproportionnés. Ils feraient mieux de les mettre au profit des Droits des femmes pour éviter les 130 féminicides par an. »

Toute cette procédure lui fait lâcher « que la France n’est plus un État de Droit ».

À son retour à Alençon, jeudi 11 avril en soirée, elle a privilégié un temps à sa famille. « Il fallait sécuriser mon entourage ». 

Mais Christine Coulon n’entend pas abandonner ses combats.

On a quelques trucs sur le feu et on va continuer. Je ne vais pas cesser tout ce pour quoi je milite depuis 45 ans au motif qu’ils nous intimident. Après le procès du 27 juin, tout cela sera terminé et on pourra partir en vacances.

Christine Coulon.

Neuf personnes seront jugées le 27 juin à Évreux

Sur les 17 militants écolos normands interpellés, lundi 8 avril, « huit personnes ont été remises en liberté mercredi 10 avril en fin de journée sans que des poursuites soient engagées les concernant, en raison de l’insuffisance des charges réunies à leur encontre », a précisé Rémy Courtin, le procureur de la République d’Évreux, dans un communiqué de presse, vendredi 12 avril.

« Les neuf autres ont été déférées, jeudi 11 avril au tribunal judiciaire d’Évreux, où des poursuites leur ont été notifiées. » Elles se sont vues remettre « une convocation par procès-verbal par un magistrat du parquet pour l’audience qui se tiendra jeudi 27 juin 2024 à 9 h devant le tribunal correctionnel d’Évreux. » 

L’ensemble des neuf personnes poursuivies seront jugées « pour les infractions de séquestration pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit avec libération volontaire avant le septième jour, dégradations aggravées par deux circonstances et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».


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